On déménage...
Eh oui, après plusieurs années à cette adresse, et un blog désormais bien bien rempli, j'ai décidé de déménager ! Tout en continuant dans le même registre, qui en énerve plus d'un (j'adore les messages d'insultes qui m'arrivent régulièrement !), je vous proposerai désormais mes avis subjectifs et excessifs à l'adresse suivante : www.manitasdeplata.net. Une adresse qui marque symboliquement mon installation permanente au sein de la culture espagnole (l'adresse est une "private joke", ne cherchez pas...!). Venez vite m'y rejoindre !
Bisous à tous...
PS : Quelques chiffres, pour dire : depuis l'ouverture de ce blog en mars 2007, vous avez été 36.300 à venir y faire un tour, et vous avez lu près de 53.000 pages. Le mois le plus "fort" a été mars dernier, avec 1.053 visiteurs, un record. Une observation inquiétante : alors que le nombre de visisteurs reste en augmentation permanente, j'ai constaté depuis 5 mois une baisse significative des "visiteurs déjà connus", ce qui indique une baisse de la fidélité. Alors, déçus ?
Séance de rattrapage : "Cars 2" ou la chute de la maison Pixar...
On le redoutait depuis des années, ce moment où l'apparente infaillibilité de la maison Pixar s'effondrerait, où Lasseter ne pourrait plus être considéré comme le génie moderne du dessin animé à qui tout réussit... Alors nous y voilà, avec ce "Cars 2", qui va au delà de nos pires cauchemars, à dire vrai : une horrible daube, un navet laid, stupide et mortellement ennuyeux, qui semblerait sorti de l'un de ces studios de seconde zone qui tentent régulièrement leur chance dans l'animation, si la perfection stupéfiante de l'image ne venait confirmer que, oui, on est bien chez Pixar ! On cherchera en vain une idée amusante, un trait d'humour qui puisse nous arracher un sourire, un élément de logique au sein d'un scénario écolo-james bondien ridicule. Mais le pire de "Cars 2", c'est cette incompréhension fondamentale des mécanismes de l'action et du suspense que le film trahit : quand toutes les règles "naturelles" de mouvements, de pesanteur, sont abolies (les voitures peuvent à peu près faire n'importe quoi, voler, nager, sauter, etc.), il ne subsiste plus aucun repère auquel rattacher notre croyance, et les scènes s'enchaînent alors sans laisser la moindre trace en nous, pauvres spectateurs éberlués - et furieux - devant tant de vacuité.
"Valerian Vu Par Larcenet : "L'Armure du Jakolass" : une franche réussite...
Jusqu'à présent, hormis l'excellent travail d'Emile Bravo pour Spirou, la reprise de personnages iconiques de la BD Franco-belge par d'autres artistes n'a engendré que des déceptions : célébrons donc le mini-coup de maître de Larcenet, qui confronte sans complexes son univers (le café de chez Francisque, la médiocrité moderne, diluée dans une tendresse désespérée qui rachète toutes les bassesses humaines) avec celui de Valérian (foisonnement de races dans un melting pot délirant). Le résultat est un vrai album de "Valérian", pas si loin que cela des meilleurs de l'époque de l'âge d'or, et en même temps, une histoire 100% politico-sociale à la Larcenet (illusions et désillusions, mais sans aucun cynisme, découverte du potentiel de ceux qui n'ont plus rien, etc.). Si "L'armure du Jakolass" est un simple divertissement sympathique - esthétiquement remarquable, il faut le souligner -, c'est aussi un exemple étonnant de synthèse de deux styles a priori incompatibles.
"La Forêt des Manes" de Jean-Christophe Grangé : n'importe quoi, mais ça marche encore (un peu...)
Inutile de le nier, passés les deux premiers romans ("le Vol des Cigognes" et "les Rivières Pourpres", saisissants), la production stakhanoviste de Grangé a irrémédiablement décliné. Certains présentent cette "Forêt des Mânes" comme le nadir absolu de cette trajectoire, à cause de l'aspect délirant de l'intrigue accumulant les invraisemblances, du personnage principal absurde, et du style baroque de Grangé. Tout cela est vrai, mais les excès de sang et de violence (on sait maintenant que le groupe favori de Grangé, euh non, de son héroïne est Nine Inch Nails, et on comprend mieux !) m'ont cette fois paru un peu moins déplaisants qu'à l'habitude, et j'avoue avoir savouré la dernière partie en forme de road movie halluciné en Amérique Centrale et en Argentine : entre les 100 premières pages, comme toujours chez Grangé, prenantes, et ce final digne du "Aguirre" de Herzog, j'ai trouvé dans ¨la Forêt des Mânes" de quoi nourrir mon imagination. Et puis, finalement, quand on ouvre un bouquin de Grangé, on sait bien à quoi s'attendre : pas de quoi crier au scandale, donc !
"21" de Adele : pas encore une "vraie" chanteuse...
Adele a une bonne voix, tout le monde le sait, et surtout elle, qui se compare semble-t-il, toute honte bue, aux plus grandes soul sisters du passé. Adele a 21 ans, on ne peut l'ignorer, c'est le titre de son deuxième album. Adele n'a pas de (bonnes) chansons à chanter, juste un fragment d'idée par ci par là (le début de "Rolling In The Deep", la reprise cool du "Lovesong" de Cure, et... Pas grand chose d'autre). Le disque d'Adele s'écoute sans déplaisir, mais ne viendra faire vibrer en nous aucune corde sensible : la vie n'est pas encore passée chez Adele, rien n'est advenu qui puisse donner la moindre substance, la moindre profondeur à une jeune femme trop imbue de sa technique pour réaliser que "l'âme" est autre chose qu'un style musical, et qu'une chanson n'est belle que si on l'habite. Sans doute faudra-t-il attendre "49" d'Adele pour y rencontrer une vraie chanteuse qui vaille la peine d'être écoutée.
"La Délicatesse" de David Foenkinos : totalement anodin !
"La délicatesse", bardé de ses prix littéraires et de sa version ciné avec Audrey Tautou, fait partie de ces bouquins anodins qui se lisent sans peine (style agréable, humour léger, (très) relative inventivité formelle avec ces "chapitres" informatifs un peu décalés, et ces détours par des personnages secondaires), et qui s'oublient aussi vite qu'on les a lus. Un thème universellement banal (la perte de l'amour et son retour) qui ne saurait donc déplaire à quiconque, un souci permanent de la part de l'auteur (?) d'éviter quoi que ce soit qui puisse fâcher le lecteur, ou, pire encore, s'avérer (même légèrement) malaisant... Quand on voit que le point culminant de "l'affaire", c'est quand nos "héros" deviennent sujets de conversation à la machine à café dans l'entreprise où ils travaillent, on est en droit de se demander où va s'arrêter l'imagination délirante de Foenkinos !!! Bref, à ce point là, ce n'est plus de la littérature du tout, c'est plutôt du domaine des calmants légers, voire des purs et simples anesthésiants sans effets secondaires. Le genre de "machins" qu'il vaut mieux lire en débranchant toute velléité critique, le genre de "trucs" qui, quand on aime quand même un peu la méchanceté, peuvent conduire à des gestes regrettables, comme jeter cette "délicatesse" par la fenêtre en hurlant de rage.
Une soirée au Crazy Horse...
Une soirée au légendaire Crazy Horse, surtout quand elle vous est offerte, cela ne se refuse pas, non ? La réputation des filles du Crazy, toutes jadis calibrées pour atteindre une perfection "clonique" allié au professionnalisme talentueux d'une équipe à l'exigence extrême ont fait la réputation internationale du lieu, et si les choses ont un peu évolué (on admet désormais des corps un peu différents au Crazy), c'est aussi en bien... La plupart des numéros sont d'un modernisme étourdissant, sur tous les points (chorégraphie, mise en scène, sons et lumières, musique), au point que l'érotisme en est réduit à une portion des plus congrues, au grand dam d'une partie du public, la pus beauf, qui se voudrait plutôt dans un strip tease joint de Las Vegas. Il faut donc passer outre les mafieux russes déplaisants, les Japonais éméchés, les enterrements de vie de garçon, oublier les beuglements inappropriés, les commentaires stupides, pour pouvoir se concentrer sur la magie des meilleurs numéros ("red shoes" - malgré une défaillance de la "machine à infra-rouges", upside down" et son miroir magique, le strip tease pur et dur de "Crisis", et tant d'autres). La beauté de la plupart des scènes et les exploits techniques qui les soutiennent justifient pleinement la soirée, en tout cas plus que les tour de magie punks d'Otto, le champagne médiocre ou encore les sièges inconfortables près du bar.
"The Wire - Saison 5" : LE chef d'oeuvre absolu de la "série TV moderne"
"The Wire" pourrait bien s'avérer, avec un peu de perspective historique sur notre époque, comme LE chef d'oeuvre de la "série TV moderne", et sa dernière saison l'acmé absolu. En inventant une fiction plus complexe qu'à l'habitude (une mystification qui commence comme un jeu et finit par se retourner de manière particulièrement destructrice contre ses auteurs), David Simon n'a rien perdu de la force hyperréaliste de la grande fresque sur la vie policière et politique de Baltimore : au contraire, en allant jusqu'au bout de la logique de ses personnages englués dans un écheveau étourdissant de mensonges et de jeux politiques - et les pires ne sont bien sûr pas les trafiquants de drogue (il faut voir la minuscule mais aveuglante lumière que sa dernière scène jette sur le personnage le plus antipathique de la série) - Simon et ses scénaristes concluent en beauté une chronique tout-à-fait suffocante de l'impuissance "moderne". Certains, comme dans la vie, s'en tirent mieux que d'autres, sans qu'il n'y ait là-derrière ni justice, ni morale, ni même la moindre logique qui puisse rasséréner le spectateur. Le final de "The Wire" atteint une ampleur, une perfection qui laisse loin derrière la majorité du cinéma actuel, sans pour autant perdre un gramme de sa bouleversante humanité, ni non plus sacrifier aux sirènes de "la forme", du "grand" art : modeste et sobre jusqu'au bout, "The Wire" est l'une des plus brillantes réussites artistique des dernières décennies.
"Chez Francis" : une bonne brasserie parisienne...
Qu'est ce qui fait qu'une brasserie parisienne est une "bonne brasserie". Certains ont avancé une théorie alléchante sur ses frites et son steack tartare. N'ayant mangé ni l'un ni l'autre "chez Francis", j'avancerai d'autres outils de mesure : le charme patiné du décor, qui ne fasse ni faux chic branché ni usure du temps un peu craspec ; la proximité de l'un de ses grands sites parisiens qui la relie à l'histoire fantasmée de la ville lumière (depuis chez Francis, on peut voir la Tour Eiffel clignoter la nuit !) ; le verre de vin au comptoir quand on attend qu'une table se libère - bon le vin, complice le barman ; la fraîcheur parfaite des huîtres ; la saveur du foie gras et le croustillant des toasts ; l'énergie joyeuse des serveuses ; les drames humains qui ne manquent pas de s'y jouer chaque soir à une table, pourvu que l'on ai la patience d'attendre ; le vin au verre qu'on ne paye pas s'il n'est pas bon ; la viande généreuse comme chez soi ; le goût du magret rosé comme il faut ; le croustillant de la croûte de la crème brûlée comme chez Amélie ; la facilité qu'on y a à y finir une soirée bienheureuse avant de courir dans le froid de la nuit parisienne ; la solidité d'une addition ni exagérée ni timorée ; etc. etc. Oui, moi je trouve que "Chez Francis" est une bonne, une très bonne brasserie parisienne, même.
7, place de l’Alma – 75008 Paris
Elbow à la Sala San Miguel (Madrid) le samedi 19 novembre
21 h 30 pile, avec une ponctualité toute britannique, Elbow entre en scène sous une ovation impressionnante. Bon, les cinq musiciens ne payent pas de mine, avec leur look de quadragénaires mancuniens que l'on imagine plus au pub une pinte à la main que sillonnant le monde à jouer du rock'n'roll. Les premières notes de The Birds s'élèvent, Guy Garvey est déjà au bord de la scène, le micro à la main, fixant dans les yeux les spectateurs du premier rang (c'est-à-dire nous) avec une intensité chaleureuse presque déstabilisante : cette attitude d'implication totale, individuelle - Guy pointe le point vers nous, un par un, en chantant, nous fixant dans les yeux et nous adressant à chacun un large sourire - est pour moi quelque chose de très rare, les artistes se protégeant en général contre "le trac" en considérant le public ou comme une entité globale, une vaste masse anonyme dans le noir, ou même comme n'existant pas ! Plus tard dans la soirée, nous aurons d'autres exemples de cette "personnalisation" du spectacle par Guy : il s'adressera à plusieurs reprises aux Anglais présents dans la salle pour leur demander de se comporter en "invités" respectueux, d'arrêter de créer du tumulte avec leurs chansons de supporters de foot ("personne n'aime le foot ici", lancera-t-il avec cet humour anglais irremplaçable...) ; il arrêtera Weather to Fly en plein milieu et fera rallumer la salle pour superviser l'évacuation d'une jeune femme évanouie, qu'il fera par ailleurs applaudir ; il "recrutera" notre voisine de gauche comme traductrice pour mieux expliquer une introduction de chanson à la salle (... même si la pauvre aura un peu de mal avec l'accent "northern" de Guy et se fera finalement "virer" ! LOL)... Tout cela fait qu'un concert d'Elbow se vit d'une manière émotionnellement différente, et confirme que l'attention portée à l'autre, l'extrême humanité de l'attitude de Guy n'est pas qu'un "thème artistique" pour les chansons d'Elbow : l'objectif de Guy est clairement d'atteindre à l'émotion la plus juste, la moins artificielle possible, à travers sa musique, mais aussi grâce à
"l'expérience complète" offerte par Elbow sur scène...
... The Birds, donc... Comme sur le disque, la chanson commence en douceur, la voix de Guy n'est pas encore impressionnante, elle est un peu trop couverte par les instruments - même si le son est absolument excellent, dissipant mes doutes sur la Sala San Miguel... Et puis c'est ce magnifique démarrage à mi-course, quand le morceau décolle littéralement : ça y est, c'est gagné, cela ne fait que quelques minutes que Elbow est sur scène, et c'est le premier moment d'extase, ce léger basculement de la réalité (on parle souvent de "petit orgasme" quand on évoque cette sensation étrange, tellement satisfaisante, entre fans de concerts) que l'on espère en live. Ça y est, c'est confirmé, Elbow est aussi GRAND que je l'espérais à l'écoute de leur sublime album, "Build A Rocket Boys", et ce soir, on va vivre une poignée de moments exceptionnels que seule une poignée d'artistes savent offrir sur scène.
La setlist de la tournée, a priori identique chaque soir (il n'y a pas de setlists en papier sur scène) propose un mélange des deux derniers albums, les chansons plus classiques - plus faibles à mon avis - de "Seldom Seen Kid" et les morceaux plus aventureux, et incroyablement frappants en live, de "Build a rocket..." : le résultat est une agréable succession de pics d'émotion intense et de moments de respiration, de sérénité, de tendresse même. Neat Little Rows est le passage le plus percutant de la soirée, qui prouve la puissance d'Elbow, quatre musiciens discrets, presque anonymes, vêtus de noir, conduits par la masse débonnaire mais intense de Guy, qui en remontraient à bien des groupes de stade (je pense un instant à la médiocrité d'un Coldplay quelques semaines plus tôt, et je me dis que la vie est injuste...). The Night will always win est la première occasion de la soirée de jouir, oui c'est le mot, de la voix sublime de Guy dans une ambiance musicale dépouillée : bouleversant, tout simplement, avec ces paroles tranchantes dont Guy a le secret (un grand parolier, Guy, et ça devrait se savoir de plus en plus...), cette mélodie parfaite, et ce tremblement de la vie qui distingue les chansons d'Elbow de celles de la concurrence.
Dans la belle lumière qui nimbe les musiciens (pas faite pour les photos, mais bon...!), avec le soutien de deux jeunes femmes aux instruments à corde, Elbow nous proposera en 1h40 une étonnante palette d'émotions : moments intimistes donc quand Guy chante seul à côté de son claviériste, célébration de l'amitié quand le groupe boit à notre santé ("Salud !" lance Guy, avant de demander la prononciation exacte, ce qui nous conduira à l'intermède cocasse de la "traductrice") à l'occasion de la célébration de son 20ème anniversaire, et puis, parce que Elbow a aussi un vrai potentiel "commercial", émulation collective sur les "crowd pleasers" que sont Open Arms en fin de set avant le rappel, et One Day like This en grand finale extatique.
Mais pour moi, et ce n'est pas une surprise, le summum de la soirée sera Lippy Kids, chanson parfaite, parfaitement interprétée avec le support des violonistes, et cette voix étrange, si attachante de Guy : comme si Sting avait du coffre et avait appris à chanter, en fin de compte...! Inés pleure à chaudes larmes à mes côtés, et le millier de personnes à nos côtés dans la Sala Miguel semble dériver au fil de la musique, la tête dans les étoiles et le cœur gonflé d'espoir. Immense pouvoir de la musique, immense bonheur de sentir notre foi renouvelée par ces 100 courtes minutes qu'Elbow nous a offert ce soir.