Bon, je
l'avoue, j'étais surtout venu ce soir-là à l'Elysée Montmartre pour voir et
écouter Viva Voce, l'un de mes coups de coeur de 2006, et j'ai
eu, évidemment, le plus grand mal ensuite à accorder toute mon attention aux
Shins, dont le bel album "Wincing the Night Away" ne me semblait guère
nécessiter une prestation "live". Je me suis donc retrouvé tout naturellement
en décalage total par rapport à une salle pleine de jeunettes en pâmoison
devant les jeunes barbons de Portland - à moins qu'il ne s'agisse du
Nouveau-Mexique ! Mais revenons un peu en arrière....
... Confortablement
installés au premier rang, à droite, juste devant l'ampli de la belle Anita
Robinson, étant donné notre manque de confiance en le niveau sonore de cette
salle ultra-contrôlée qu'est l'Elysée Montmartre, nous étions une poignée à
attendre Viva Voce comme le messie. Et, à notre grande joie, Anita et Kevin
Robinson démarrent très fort, se jetant dans le cosmique et sidérant "So Many
Miles" après un premier morceau d'introduction et d'ajustement. Le son est bien
entendu notablement insuffisant pour qu'on atteigne l'orgasme aussi rapidement,
mais on le frôlera quand même en admirant Mme Robinson qui joue à être Jimmy
Page - un peu comme chacun d'entre nous devant son miroir : sauf qu'elle, elle a
une belle Rickenbaker, et que, croyez-moi, elle sait s'en servir. Le mari, Kevin
donc, un grand sourire aux lèvres, bastonne ses futs en poussant des cris
furieux, il nous fait donc rire et un peu peur aussi (pour lui, et pour sa
sanité). On pense à une version ensoleillée de Sister Ray, et on se sent
furieusement bien, mais quand même un peu seuls, parce qu'on voit bien que la
jeunesse, autour de nous, s'en tamponne largement le coquillard. Viva Voce
jouera près de 45 minutes, d'un concert impeccable (on chantera en choeur sur
"Believer" ou sur "From the Devil Himself"), mais qui ne retrouvera plus par la
suite la grandeur de "So Many Miles". On retournera les voir jouer, mais
BEAUCOUP plus fort, SVP !
The Shins déboulent dans l'excitation générale
(sauf moi), et me permettent de vérifier en deux chansons ce que je pouvais
craindre : en gros, le manque de charisme redoutable des musiciens, et la
difficulté fondamentale de jouer de manière un tant soit peu intéressante un bel
album (que dis-je ? un très bel album) de "pop sensible et compliquée" sur
scène. Bon, c'est mon avis, et, une fois encore, à peu près tout le monde dans
la salle a trouvé cela formidable, alors... !? Alors, les "Tibias" se remuent
pour créer un peu d'énergie derrière des chansons dont la principale qualité
reste la capacité d'évanescence, ou, plus exactement la part de rêve, et l'on
se retrouve un peu écartelé entre la frustration que ce ne soit pas aussi beau
que sur disque,et le regret que leur répertoire ne contienne pas plus de chansons
à reprendre en choeur en se trémoussant - ce qui est quand même,
reconnaissons-le, l'une des principales raisons pour laquelle on quitte le
confort de son salon pour l'exténuante frénésie de la salle de concert. Je
sombre peu à peu dans une vague indifférence pour ce groupe
tellement
sympathique et doué, mais sans plus. Ce ne sera qu'à la fin, dans l'enchainement
judicieux d'un vieux titre plus enlevé et d'une reprise des Modern Lovers que je
me sentirai - beaucoup trop tard - à un concert de Rock. Cette citation d'une autre icône du "rock sensible", Jonathan Richman, éclaire
d'ailleurs pour moi la principale faille des Shins, finalement plus près de
l'orfèvrerie précieuse et un tantinet pompeuse de Supertramp que du délire
enfantin d'un Jonathan Richman, justement. Mais là encore, tout cela n'engage
que moi !
04 avril 2007