Il y a un niveau d'excitation général perceptible pendant la (longue) attente de l'entrée sur scène de Queens of the Stone Age à l'Elysée Montmartre : car tout le monde ici - et le public est assez mélangé, ce qui prouve à quel point QOTSA recrutent dans toutes les tranches d'auditeurs (excusez mon langage, c'est le sortir des élections !) - est conscient que peu de groupes aujourd'hui véhiculent aussi clairement "l'idéologie" éternelle Sexe-Drogue-Rock'n'Roll que Josh Homme et sa bande à géométrie variable. L'Élysée Montmartre est archi-plein et se transforme vite en fournaise, les places s'étant vendues en une poignée d'heures (... sans parler du stress généré par une annulation du concert, transformée in extremis en re-programmation à une date antérieure, ce qui n'est pas habituel !).
En guise de première partie, nous avons droit à un DJ qui nous bombarde - à un niveau sonore assez redoutable - de classiques punks et reggae estampillés '77, puis de quelques morceaux de metal emphatique qui témoignent d'une légère faute de goût : le tout n'est pas si éloigné de "l'esprit QOTSA", le groupe qui prétend - et réussit - à renouveler le Metal en lui faisant retrouver ses muscles et ses nerfs d'adolescent révolté, et en lui injectant une dose inhabituellement forte de mélodies "pop". Il faut quand même un sacré cran à Josh Homme pour se pointer sur scène après 45 minutes de Ruts, Clash, Nirvana et autres (les Arctic Monkeys étant d'ailleurs le seul groupe ayant eu droit à deux chansons dans le set du DJ !). Les plus prudents d'entre nous - nous sommes placés au premier rang bien sûr, à quelques pas de la sono, à droite - commencent à s'insérer des kleenex dans les oreilles...
Presque 21 h 00 quand QOTSA rentrent sur scène :
Josh Homme au milieu, sur lequel tous les regards sont fixés, lance
immédiatement la foudre avec "Sick Sick Sick", l'impérial nouveau single, déjà
disponible apparemment sur le Net. Un morceau parfait, porté par l'un de ces
riffs chauffés à blanc et en même temps d'une dureté radicale qui sont la
caractéristique de QOTSA, qui laisse bien présager du nouvel album (à sortir en
Juin) que Josh Homme tourne pour promouvoir. Cela fait longtemps que je n'ai pas
vu et entendu un groupe qui met le feu à la salle dès son premier morceau, et la
divine hystérie des grands concerts est déjà palpable. La suite est une
alternance entre nouveaux morceaux, tous très convaincants et accrocheurs dès la
première écoute, et classiques extraits des 4 premiers albums : au hasard, "Lost
Art of Keeping Secrets", une version très sexuée de "Make It With Chu" (le
morceau pour baiser, si si !, d'ailleurs Josh Homme fait des gestes obscènes
pour ceux d'entre nous qui n'auraient pas saisi), une superbe interprétation de
"Little Sister" (second sommet du concert après "Sick Sick Sick"), l'imparable
"Burn the Witch" aux accents Heavy Metal des plus classiques (en regardant
autour de moi, je vois alors une multitude de débiles plus ou moins légers
faisant le signe du diable, ouaf ouaf !), etc. etc. J'ai moi-même une petite
préférence pour "Battery Acid", un nouveau morceau, incroyable rafale de riffs
glacés, sur une rythmique démoniaque, qui électrocute littéralement le public :
dans l'obscurité lacérée de flashs de lumière blanche, QOTSA crée une ambiance
toxique de labyrinthe post-apocalyptique, comme dans un jeu vidéo
particulièrement violent.
Sur scène, il n'y a par contre pas grand chose à
voir, car, comme d'habitude les lumières sont rares, et, le groupe - mis à part
le nouveau bassiste un peu plus expansif - joue de manière compacte, totalement
concentré sur la musique, il est vrai très complexe et technique. Josh Homme se
contente de ses quelques - habituelles - petites invectives sexuelles (il a
repéré une fille qui lui plait dans la fosse, et lui adresse des "I Love You"
explicites en guise d'invitation backstage), et a toujours son allure de
bûcheron à la redoutable carrure. Le niveau sonore est acceptable, même si l'on
aurait aimé quelques décibels en plus pour frôler le seuil de souffrance
physique, plus en adéquation avec la musique de QOTSA (... mais il ne faut pas
rêver, on est à l'Elysée Montmartre !). Le public est en transe, déchaîné
pendant les morceaux les plus connus, et il nous faut à plusieurs reprises
lutter pour rester accrochés à la barrière dans les flux et reflux des
spectateurs hallucinés.
Vient la dernière partie du concert et le rappel,
un enchainement de 3 hits inoxydables, pour consacrer l'ineffable grandeur de
QOTSA : "Go With the Flow", sur-vitaminé et sur-speedé, qui ne tient pas
tout-à-fait les promesses de son démarrage brutal (Gilles P. devient fou, on
frôle la bagarre), une extraordinaire version de "Feel Good Hit of the Summer"
(que je dédie particulièrement à Nicolas Sarkozy : "Nicotine, valium, vicodin,
marijuana, ecstasy and alcohol...Cocaine !" hurlé en coeur par des centaines de
jeunes et de moins jeunes - comme nous - surexcités, le cauchemar de Nicolas !),
puis le laminage à froid de "Song for the Deaf" (Gilles B. est en plein délire à
côté...) et ses brisures aux éclats acérés.
70 minutes seulement, mais impossible de se sentir frustrés après 70 minutes de VRAI rock'n'roll, intense, brut, souvent même glorieusement inspiré. Nous sortons de la salle en prenant tout notre temps, histoire de laisser descendre la température tant physique que mentale. Heureux...