Djian n'a rien d'un grand écrivain... D'ailleurs, comme je l'ai déjà écrit un
jour, on dirait bien que la France n'a plus aujourd'hui la culture, la langue
ou simplement les sujets qui pourraient donner naissance à un nouveau Camus,
Sartre, sans parler d'un Céline ou d'un Proust... Djian écrit plutôt de bons
bouquins de gare que le cinéma français transformera en de mauvais films, et même de
fort acceptables paroles de chansons que Stephan Eicher chevrotera à l'envi.
Djian a d'ailleurs toujours voulu écrire l'équivalent français du "Monde
selon Garp", pas du "Bruit et la Fureur" (au hasard), ce qui témoigne de sa part d'une
certaine lucidité. Djian est même devenu un écrivain intéressant depuis qu'il
se concentre sur un seul sujet : les ravages du sexe au sein de la population
quadragénaire riche. "Doggy Bag" résulte en outre d'une idée assez originale - et stupide
au demeurant - pour être stimulante : adopter la forme de la série TV US
moderne - soit quand même une sorte de nouvelle universalité dans la
description des soubresauts de la société - dans le roman. Le résultat est, si l'on ignore
une nette dégradation formelle (nombre de phrases sont mal construites, ce qui
surprend de la part de quelqu'un comme Djian, généralement féru de "style")
qui semble néanmoins aller de soit avec le concept d'un "soap" un peu cheap,
tout-à-fait excitant, confirmant l'intérêt quasi systématique de ce type
d'expérience "impure", de "bastardisation". "Doggy Bag - saison 1" (un coup de
génie que ce titre, indéniablement) propose donc son lot de personnages
déjantés mais emblématiques, de situations délirantes mais immédiatement
reconnaissables, de coups de théâtre en rafale, de suspense astucieusement
ménagé par la construction du récit... Bref tout ce qui génère
habituellement notre addiction à la grande série TV. Finalement, sa seule
faiblesse, c'est encore celle de la littérature ou du cinéma français
actuels par rapport à leurs équivalents américains : cette incapacité à
travailler sur des questions vraiment essentielles et à générer - ou au moins
à prolonger - un véritable "mythe". On en restera donc à l'aimable divertissement. Ce
qui n'a rien de honteux !
05 mars 2008