On s'inquiète un peu car on est déjà bien en retard, et l'ingé-son galère avec
un "buzz" sur la guitare acoustique, ce qui l'obligera à "changer la ligne" :
comme quoi, quand on assiste à un concert au premier rang avec les Rock'n'Roll
Motherf***s, on s'instruit aussi, on découvre les beaux métiers du spectacle.
Mais finalement, tout rentrera dans l'ordre, et les 6 musiciens hétéroclites de
Moriarty entrent en scène, une scène bien remplie : entre une machine à écrire
(pour l'intro de "Jay Walker", si je ne m'abuse...), une lessiveuse retournée
sur laquelle frapper avec un gros maillet en caoutchouc, il y a un paravent très
kitsch, une table avec un bric à brac rétro, une lampe rouge et un fauteuil,
rouge lui aussi, qui me rappelle celui de ma chambre d'adolescent dans les
70's... La première chose qui frappe, c'est que Rosemary a l'air à la fois
triste et aigrie, et pas du tout le genre de fille que je m'attendais à voir
chanter le
folk primitif et ténu de l'album "Gee Whiz But This is a Lonesome
Town" : plutôt lourde, curieusement mal sapée dans une tenue rouge satinée qui
ne l'avantage pas, les pupilles bizarrement dilatées (quelle substance ? le
stress simplement ?), voici une femme peu aimable, qui ne décrochera qu'un ou
deux maigres sourires fatigués pendant la petite heure et quart de concert qui
suivra. Le reste de l'équipe (les 5 autres, là où je pensais qu'ils seraient 6,
il manque un percussioniste...) exsude par contre une indéniable énergie, voire
une fantaisie qui animera régulièrement l'interprétation de certains morceaux
plus fades du répertoire de Moriarty. On pourra ainsi s'amuser aux poses
"héroïques" de Charles, guitariste en chaussettes, virevolter avec Stephan, le
contrebassiste élastique, ou sourire devant la volubilité aimable de Arthur,
avec son look proto-hippie fort sympathique. Car, le petit plus de Moriarty en
scène, c'est une capacité à théâtraliser leurs chansons, à introduire une
énergie un peu brindezingue et une drôlerie assez légère dans leur musique qui
paraît sinon assez traditionnelle, voire conventionnelle : bref, même lorsque
les morceaux sont faibles (une bonne moitié de leur répertoire, à mon avis), on
ne s'ennuie jamais, il se passe toujours quelque chose sur scène, entre échange
de rôles entre les musiciens, utilisation d'instruments non conventionnels
(outre l'Olivetti Studio 44 et la lessiveuse déjà citées, on
appréciera l'usage
par Rosemary du rouleau de chatterton pour moduler sa voix !) et jolies poussées
d'enthousiasme, en particulier au début du set. Les plus beaux moments de la
soirée - mais des moments vraiment beaux, attention ! - seront : la version a
minima du "Enjoy The Silence" de Depeche Mode, avec xylophone malin, reprise en
choeur tendre par la foule compacte du Forum ; l'époustouflant "Cotonflower"
sur lequel la voix de Rosemary fait des merveilles, et qui se voit tendu par une
interprétation plus agressive en scène ; et surtout, surtout, le magnifique, le
bouleversant "Jimmy", moment de grâce absolue, qui serre le coeur, fait monter
les larmes aux yeux, et donne envie de serrer la main de son voisin ou sa
voisine pour le / la réconforter. Rappel au bout de une heure environ de set,
avec un beau "Private Lily", et, surprise finale,
une chanson en français, si
si, dont notre ignorance crasse de la chanson française nous empêchera de
reconnaître le titre ou l'auteur (pas de set list chez Moriarty, il faut le
savoir !) : du fait de la superbe voix de Rosemary, j'ai pensé un peu à Barbara,
mais ça ne devait pas être ça...
Voilà, c'est fini : un concert qui n'avait rien de
bien extraordinaire, un groupe qui n'ira sans doute pas très loin (un seul
"Jimmy" dans le répertoire !), mais une belle expression néanmoins de ce que
peut produire la musique "live" : rires, émotions, interrogations aussi
(pourquoi tant de tristesse, Rosemary ?)... Après cette soirée, il est vrai que
je n'écouterai plus "Gee Whiz.." de la même façon...
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