J'aime The Dø pour cette ambiance dépressive furieusement cinématographique que
chaque morceau réussit à créer, voire à renouveler, tel un petit miracle de
poésie aigre et fragile. Sur scène, soyons francs, rien de tout cela : un show
puissant, spectaculaire, où chaque morceau est retravaillé à la térostérone -
batterie fracassante derrière - et voit ses tripes saignantes arrachées,
balancées à la foule. Mais aussi un show de "riches" avec de belles lumières,
une belle mise en scène et une belle sophistication du matériel (je pense bien
sûr surtout à l'impressionnante batterie avec sa spirale de percussions et ses
protactions en plexiglass, mais aussi au beau logo à l'arrière plan...). Pour
moi, cela va donc être une vraie surprise, et avous-le, une légère déception
donc : il me faut oublier les versions poignantes, lo-fi, de l'album pour
pouvoir me laisser aller au spectacle généreux offert par Dan et Olivia,
rayonnants, bondissants, finalement très showmen (and -women) dans l'âme. Dès
l'entrée, "Playground
Hustle" survitaminé et spectaculaire, le ton est donné, et
dès le troisième morceau - "The Bridge is Broken" - qui a muté en rock puissant
entrechoqué avec le hip hop viril de "Queen Dot Kong" -, le tour est joué, la
salle est conquise, le style de la soirée est donné : un déficit d'émotion,
certainement, mais un supplément de spectacle, indiscutablement. On chante en
choeur, on frappe dans les mains, on hurle, on essaye de reconnaître ses
morceaux favoris : est-ce vraiment the Dø, sur scène ? Non, quand une version
retravaillée mais finalement désenchantée de "Travel Light" - son gimmick pompé
sur le "I am the Walrus" des Beatles disparaît - nous déçoit ; Oui, quand Dan
fait tenir le "La" à la foule pour lancer un "Unissasi laulelet" magnifique,
enfin émouvant, qui sera pour moi et de loin le plus beau moment de la soirée.
"On My Shoulders" lance la dernière partie du concert, qui sera rock et énervée,
et le frisson qui nous saisit tous lors du premier couplet laisse place - pour
moi, tout au moins - à la simple fascination devant ce jeune couple en pleine
maîtrise de son sujet, finalement déjà professionnels : Olivia est notre Björk à
nous (origines nordiques communes, goût pour les tenues créatives, capacité à
exprimer en scène une vitalité explosive, voix impressionnante), Dan fait
n'importe quoi, entre le magicien électro, les gestes hip hop merdiques et
l'excitation rock'n'rollienne, mais anime indéniablement la scène, le batteur
fait naître un ouragan là derrière (un peu trop prépondérant, d'ailleurs, à mon
goût, cet ouragan...). En tout, nous aurons été gratifiés de plus de 1 h 30 de
concert, un peu étiré sur la fin, il est vrai, par les longs remerciements à
l'équipe technique - on approche de la fin de la longue tournée, n'est-ce même
pas le dernier concert ce soir ? Et je ressortirai de là un peu sur ma faim,
regrettant certainement de ne pas avoir vu The Dø comme Gilles B à leurs débuts,
avant qu'ils ne deviennent aussi "rôdés", mais aussi très impressionné par la
force qu'ils dégagent aujourd'hui. Un dernier mot pour ceux et celles, nombreux,
qui ont du mal avec la voix d'Olivia : tout le monde dans notre petite troupe ce
soir était d'accord pour dire que, sur scène, cette voix plaintive et
dérangeante était désormais plus du côté de la puissance... The Dø ont
maintenant tout pour conquérir le monde !
Retrouvez l'intégralité de ce compte-rendu sur le blog des Rock'n'Roll Motherf***s !
29 novembre 2008