Vous ne connaissez sans
doute pas Freevolt, puisqu'il s'agit là de l'un de ces groupes, qui comme des
milliers d'autres (j'exagère peut-être, on est en France, pas en Angleterre, il
n'y en a après tout sans doute que des centaines...), galère pour atteindre la
reconnaissance, ou, tout simplement, pratique la musique en amateurs, pour le
plaisir. La différence - pour nous -, c'est que le chanteur de Freevolt, c'est
Fred, le mari de Cécile, un presque voisin de Rueil, un ami. Normal donc d'être
là au Trabendo ce samedi soir pour le soutenir lors de la demi-finale d'une
compétition (Fallenfest ?) qui peut donner à son groupe l'opportunité de jouer
devant un jury de professionnels à la Cigale, puis peut-être devant un public
plus que conséquent à la Fête de l'Huma. Il me faut maintenant expliquer le
fonctionnement de cette compétition - que j'ai découvert, passablement ahuri...
: chaque groupe - il y en a 8 qui jouent ce soir - a droit à 30 minutes y
compris la mise en place, et le(s) meilleur(s) sera(ont) choisi(s) par le public
: passablement stupide au final puisque clairement, chacun des groupes a amené
avec lui ce soir "son" public (famille, voisins, amis - beaucoup d'enfants donc
dans la salle du Trabendo ce soir, donc...) qui voteront automatiquement pour
lui. Ceux qui gagneront seront donc, non pas les meilleurs, mais ceux qui auront
rameuté la plus grosse bande ! Il y a déjà des rumeurs sinistres qui circulent,
comme quoi le dernier groupe aurait organisé une arrivée massive en autocar
depuis Sedan ! La vie quotidienne du "French rock'n'roll", quoi !
Nous arrivons quelques
minutes avant que Freevolt monte sur scène à 20 h 30, vu l'embouteillage
gigantesque qui paralyse la Porte de la Chapelle et le parking complet du Zénith
(merci les travaux qui ont réduit à néant le parking extérieur !), mais ça n'a
pas l'air trop grave, le groupe précédent terminant son set sur un morceau punky
apparemment à la gloire des cacahouètes ! Je me pince pour voir si je rêve.
J'essaye de voir comment je vais parvenir à me glisser au premier rang, squatté
par les copains de lycée de nos géniaux musiciens et leurs mamans (excusez-moi,
mais le nom de ce groupe promis sans nul doute à un brillant avenir à la
télévision sarkozyenne m'échappe...), quand d'un coup, le set fini, tout le
monde disparaît pour aller glisser ses 5 petites boules jaunes remises à
l'accueil dans le tube de vote prévu à cet effet ! La voie est libre, nous voilà
donc à notre place habituelle, devant.
Freevolt
commencent à jouer 20 h 35, le son est bon, on entend bien la voix de Fred
(souvent un problème, la voix, au Trabendo quand on est au premier rang !) et le
son clair de sa basse. Freevolt, pour vous expliquer, c'est un trio, ce qui est
quand même la formule idéale du rock, non ? A gauche, un guitariste - un peu
confus dans ses riffs, à mon avis - avec une superbe Rickenbaker, un look brutal
et une voix adéquate pour brailler sur des chœurs virils. Dans le fond, un
batteur pas manche du tout qui porte littéralement la maison. A droite, il y a
donc Fred, à peine remis d'une semaine d'hôpital (les cinq kilos perdus, d'après
Cécile, contribuent au look rock'n'roll lorsqu'on a dépassé un certain âge - ça,
c'est moi qui ajoute, pas Cécile), l'iroquoise bien dressée, et il est très
classe ma foi, juste clairement un peu crispé par le challenge. Le premier
morceau ne m'enthousiasme pas, la voix de Fred est un peu à limite, il n'y a pas
trop d'énergie qui se dégage d'une chanson un peu compliquée. Et puis, à partir
du second morceau, Freevolt se met en place, et on peut prendre du plaisir à
leur musique, qui a l'immense avantage de ne pas évoquer immédiatement des
références trop évidentes : il s'agit d'une musique adulte, très rock, pas trop
classique, ni complexe ni simpliste, avec des textes en anglais qui me
paraissent un peu décalés (Dead Fish) et qui sont portés par la voix de
Fred, plus à l'aise lorsqu'il n'a pas trop à la forcer. D'un coup, en le
regardant - après que Patricia m'ait fait remarqué qu'il n'y a pas beaucoup de
groupes où ce soit le bassiste qui chante - excusez Pat, elle n'est pas toujours
très cultivée ! - je me dis qu'il a un petit look Sting pas inintéressant. Ça
commence à chauffer un peu sur l'avant-dernier morceau, ... Thanx, et
on attend avec intérêt le dernier titre, le meilleur d'après Cécile, qui doit
couronner le set quand... c'est fini : l'animateur de la soirée, une sorte de
crétin ridicule comme on peut s'y attendre dans ce genre de soirées - fait signe
qu'il faut arrêter, que le temps imparti est dépassé ! Rage ! Coïtus Interruptus
!
On se précipite pour
voter, et on voit que ça va être serré pour Freevolt, les amateurs de cacahouètes
ayant passablement bien rempli leur tube de boules jaunes. Pendant que les
filles discutent, je décide de retourner devant la scène pour assister au set
suivant, celui d'un groupe nommé Raoul et l'Enfer, ou un truc comme ça (j'aime
bien le nom de Raoul, moi, ceux qui me connaissent le savent bien !). Mais,
horreur, le truc (peut-on appeler ça du rock ?) que les gugusses sur scène
jouent me fait fuir à toutes jambes : laid et insupportable, bête et hideux...
j'ai l'affreuse impression de me retrouver en 1970, à la naissance de ce que
l'on osait pas appeler à l'époque "le Rock Français". Est-il possible qu'on en
soit encore là, à ces glapissements de chanteur de variétés posés sur des riffs
crapoteux, après toutes ces années ? Si c'est ça le futur de la musique en
France, il vaut mieux émigrer ! D'un coup, je me rends compte que, même si j'ai
été un peu dur avec Freevolt, j'ai au moins assisté à un set décent, élégant,
digne de bien des premières parties que j'ai pu voir ces dernières années...
Allez, Fred, bonne chance !
A l'heure où j'écris ces lignes, je ne sais pas si Freevolt a été sélectionné pour la finale à la Cigale, ce qui me permet de conclure ces quelques lignes sur un cliffhanger de bon aloi, non ?