Voilà, on est déjà bien engagé dans le set de The Von
Bondies, et je suis en train de me dire que je prends, mine de rien, l'un de mes
meilleurs shots de rock'n'oll de cette année, depuis le mémorable set de Jay
Reatard au Point Ephémère, quand Jason Stollsteimer, le chanteur à la mèche
rebelle, par ailleurs bavard comme une pie, tend le doigt dans ma direction et
dis : "... yes, and you, Sir, we want to thank you for being here !". Comme je
me retourne pour voir à qui il peut bien parler derrière moi (mais il n'y a
guère que mon ami Jean-Pierre), Jason insiste : "Yes, you, Sir !", ne laissant
aucun doute : son hommage s'adresse à moi (j'avais d'ailleurs remarqué qu'il me
regardait régulièrement, mais j'avais pensé que c'était mon appareil photo qui
l'incommodait...) ! Bon, tout cela est bien gentil, mais, bon dieu, pourquoi MOI
??? Un doute affreux m'envahit : est-ce que j'ai désormais l'air si VIEUX que ça
paraît un miracle que je sois au premier rang en train de sauter en l'air sur du
putain de rock'n'roll ? Merde ! Mais rembobinons et revenons
un peu
plus tôt ce soir-là...
Je suis venu ce soir parce que j'ai foi dans les goûts de mes amis, et que le
mauvais disque que les Von Bondies viennent de sortir ne devait pas me dissuader
- m'avaient promis les autres rock'n'roll motherf***s - de tenter l'expérience
du live, avec un vrai putain de groupe de putain de rock'n'roll. Ceci dit, vu le
faible taux de remplissage du Nouveau Casino ce soir, on dirait bien que la
"tasse" de l'album en a refroidi plus d'un ! Sauf que, pas d'erreur, quand
The Von Bondies rentrent sur scène, on se rend tout de suite
compte que ça va cogner, et que ça va être bon ! Deux greluches typiques de
l'americana, mignonnes certes, mais avec ce manque d'élégance touchant qui
caractérise nos amis (... eh oui, comme le fera remarquer Jason plus tard, les
Américains sont de nouveaux les amis des Français, et ça se sent !) d'Outre
Atlantique, entourent le noyau dur des Von Bondies : Jason Stollsteimer donc,
quelque part entre un Owen Wilson blafard et un Nicolas Cage jeune avec une
mèche, à la guitare et au chant, et Don Blum l'asiatique à la batterie,
minimaliste mais sévère ! Eh oui, c'est parti pour 45 minutes de rock'n'roll
brûlant sorti des usines de la Motor City itself, motherfuckin' Detroit ! Mais
raconter le rock'n'roll, c'est dur, il faut être plus doué que je le suis. On
peut essayer d'énumérer les influences, les groupes cousins : la musique des Von
Bondies peut évoquer tour à tour les Stooges, forcément (sans l'extrémisme mais
avec une sorte d'élasticité joyeuse), les Plimsouls en plus hard mais tout aussi
surexcités, et puis en fait toute une histoire qui a commencé avec le pelvis du
King, a contaminé tous les garages des banlieues white trash des USA, et ne
s'est pas arrêtée depuis. On peut tenter de raconter l'énergie sur scène, la
classe innée du groupe, le son qui claque bien - un peu plus fort encore, ça
n'aurait pas été de refus ! -, la manière dont un morceau sur deux, au moins,
semble s'emballer, s'amplifier en mini-tornade sensorielle, pour le plus grand
plaisir des spectateurs, dont une bonne partie a entamé un pogo musclé et
chahuteur au milieu de la salle. On peut lister les chansons, sauf que je ne
connais pas la plupart des titres : tout au plus, j'aurai noté, ravi, que
Perfect Crime, le single un peu glam du dernier album, resplendit d'un
coup de mille feux - loin, très loin, et très au-dessus de la version terne que
je connaissais jusque là... que les "la la la" de She's Dead To Me
fonctionnent bien, avant la tuerie magnifique qu'est C'Mon C'Mon, un
classique instantané que je chante à tue-tête sans jamais l'avoir entendu avant
!
Oui, 45 minutes, c'est beaucoup trop court ! Alors Jason revient
en duo avec Leann, la brune bassiste, pour un petit blues dépouillé assez
anecdotique, à la suite de quoi on a droit à un boogie ultra classique qui met
mon ami Gilles P dans tous ses états, avant un final tonitruant sur It Came
From Japan (Jason a annoncé le titre, c'est pour ça que je peux le citer !)
avec l'aide d'un second batteur recruté au pied levé dans la salle. Voilà, on
vient de vivre 60 minutes de pur rock'n'roll, et une intense satisfaction nous a
tous envahis (je parle sans crainte au nom de mes amis). Dehors, j'ai
l'impression que la nuit est beaucoup plus chaude qu'elle ne l'est, je sais que
j'ai refais le plein d'énergie pour quelques jours au moins. Il ne reste qu'une
question, qui tourne sans réponse dans ma tête : comment un groupe aussi
brillant scéniquement fait-il pour ne pas nous pondre de bien meilleurs albums
?
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