"Dans le Café de la Jeunesse Perdue" de Patrick Modiano
Seconde tentative de ma part de lire Modiano, après "Un Pedigree", et, une
nouvelle fois, des sentiments mitigés. C'est indiscutable qu'il y a dans "Dans
le café de la jeunesse perdue" une grande élégance, aussi bien dans l'écriture -
légère, vaporeuse même parfois - que dans la narration, qui fait se succéder
plusieurs narrateurs autour des mêmes "évènements" avec une subtilité
indiscutable : Modiano évite "l'effet Rashomon" devenu presque bateau, tout en
ne donnant jamais non plus complètement les clés de ce qui se déroule devant nos
yeux aveugles (aveuglés ?). Car le livre, mystérieux, n'est pas un thriller, et,
pour paraphraser l'auteur, "il faut accepter la part de mystère" quand on aime,
et c'est très bien ainsi. Modiano joue subtilement de légers décalages, d'un
indéniable "flou" (artistique ?) pour empêcher que le lecteur ne saisisse
tout-à-fait et ce qui se joue, et la manière dont cela même se joue. Et il y a
un indiscutable plaisir à se laisser ainsi manœuvrer.
Pourtant, au
final, malgré les excellentes dernières pages, une vague impression de vacuité
perdure, comme si le bel exercice de style auquel Modiano s'est livré ne
dissimulait qu'une terrible banalité du sujet et même des affects :
car finalement, Modiano ne travaille guère que dans le registre de la nostalgie
la plus "piétonne", celle des endroits qu'on a connu dans sa jeunesse et qu'on
ne retrouve plus, celle des personnes qu'on a aimées et qui ont disparu. Le tout
symbolisé dans la recherche d'un Paris de carte postale finalement assez
poussiéreux. Rien donc que des lieux communs, simplement transcendés ici par le
talent d'un écrivain. Ce n'est pas assez !