"Millenium 1 - Les Hommes Qui N'Aimaient Pas les Femmes" de Stieg Larsson
Sacrifier à la mode et lire le livre dont tout le monde parle donne toujours la désagréable impression d'être un peu un mouton, jusqu'à ce qu'on se prenne finalement d'amour pour celui-ci. Alors, qu'est-ce que "Millenium" a de si différent du polar de gare "globalisé" façon Coben ou Dan Smith ? Certainement pas son intrigue, combinant habilement mais classiquement le whodunit familial en vase clos dont Agatha Christie a posé les bases voici des décennies, la fascination épouvantée mais vaguement malsaine pour les serial killers dont l'Amérique nous abreuve depuis Thomas Harris au moins, et le cyber-polar moderne, aux prises avec l'actualité. Tout cela est bien, mais il n'y aurait pas de quoi crier au génie si Stieg Larsson n'ajoutait pas un certains nombres d'épices à son plat, qui en changent profondément le goût : d'abord, le cadre géographique, une Suède forcément moins banale et rebattue que les métropoles américaines ou française ; ensuite, un parti pris politiquement clairement exprimé à gauche, presque militant lorsque l'on touche aux scandales bancaires et financiers de notre époque (il y a dans "Millenium" des passages très pertinents par rapport à ce que nous vivons en ce moment !), qui nous change de la couleur largement réactionnaire du polar anglo-saxon ; enfin, la création de deux personnages littéralement extra-ordinaires, Mikael et Lisbeth, auxquels on s'attache instantanément. Tout cela fait que Larsson, s'il ne transcende pas les limites du genre - comme un Elroy par exemple -, nous a pondu un livre vraiment obsédant, au succès populaire mérité.