La seule fois où j'ai vu The Pretenders,
c'était en 1981 au Pavillon Baltard, il faisait froid, le concert avait été très
moyen, mais Chrissie Hynde incarnait alors une certaine image de la femme
rock'n'roll qui nous faisait tous fantasmer. Presque 30 ans plus tard, le rock
est devenu largement féminin, et si elle a indiscutablement contribué à cette
mutation, difficile de ne pas la juger dépassée par ses "filles"... Quand
Chrissie monte sur scène, on se laisserait presque abuser par sa silhouette
toujours sèche et juvénile : le rock'n'roll conserverait-il si bien qu'à 58 ans,
elle en paraisse encore 40 ? Non, par delà le jean moulant sur des formes encore
glorieuses, les bottes à talons aiguilles pour faire fantasmer les "Tatooed Love
Boys", et les poses "rock'n'roll queen", une fois mes lunettes essuyées (figure
de style), je vois bien que le visage de Chryssie trahit son âge, et qu'elle
ressemble plus désormais à un Alice Cooper vieillissant qu'à une maîtresse
exigeante de rituel sado-masochiste ! Too bad !
Je ne me souvenais
plus de ça, mais le seul autre membre fondateur du groupe encore vivant, c'est
Martin Chambers, le batteur cataclysmique : et lui, croyez moi, il est toujours
aussi (qui a dit : "plus encore, même..." ?) impressionnant. Phillipe D me
confiera qu'il le classe aisément dans le Top 10 des plus grands batteurs de
l'histoire du rock, et je dois dire que, après une heure vingt cinq minutes de
rythmes titanesques, je serais assez d'accord avec lui. Comment avais-je donc pu
oublier Martin Chambers ? Ce sera néanmoins la SEULE bonne surprise de ce soir,
car, inutile de vous faire attendre plus longtemps, nous avons assisté plus ou
moins à un NON-CONCERT (comme on dit un "non-événement") : rien à redire dans le
détail, tous les morceaux étaient très rock, avec un son clair et tranchant,
assez fort, interprétés de manière très "rentre dedans"... Et alors ? Alors,
rien ! Pas une émotion, pas un instant de véritable excitation, il ne s'est RIEN
passé sur la scène de l'Elysée Montmartre ce soir.
Je pense d'ailleurs
que Chryssie et ses spadassins se sont rendus compte que quelque chose n'allait
pas, car ils ont écourté leur set d'une bonne quinzaine de minutes, à vue de nez
(plusieurs morceaux sur la set list ont été évincés, en particulier Brass in
Pocket et Thumbelina...). Certains accuseront la chaleur, certes
élevée. D'autres, à la sortie, blamaient les appareils photos qui ont
visiblement irrité Chryssie (la pôvre petite, elle n'aime pas être photographiée
! A son âge, et vu le métier qu'elle fait, sans doute est-il un peu tard pour
s'en rendre compte !). Moi je pense tout simplement que, ce soir, les Pretenders
étaient médiocres, et c'est tout... Je n'ai pas parlé des autres musiciens, et
pourtant : un joueur de pedal steel envahissant, qui a coloré ce soir tous les
morceaux des Pretenders aux teintes de l'Ouest américain (Philippe D m'a dit
qu'il avait trouvé qu'ils sonnaient comme Lone Justice, et il n'était pas loin
du compte)... Mais le pire est le jeune guitariste-"hero" qui a tendance à
laisser dégueuler ses soli un peu partout, et à saloper les chansons pop de
Chryssie de délires hard rock d'assez mauvais goût (je dois dire que nombre
de quinquagénaires dans le public appréciaient...). Bref, la musique des
Pretenders ressemble aujourd'hui à ce que nos amis américains appellent du
"classic rock", bien loin des fanfreluches post-kinks et décadentes de
Londres...
Le set était composé
d'une sélection de titres du nouvel album, a priori les plus "américanisés",
entrecoupée des chansons (qu'on aurait pu croire) éternelles des trois premiers
(glorieux) albums... Mais j'aurais de la peine à citer les meilleurs moments,
tant tout a nagé dans une banalité sans nom. Le plus intéressant, ça a été
finalement de retrouver le mauvais caractère et la vulgarité de Chyssie
inchangés, et je me suis dit à un moment que ce caractère de "bitch" était ce
qui restait de plus sincère au sein de cette musique dépassée et morte. Chryssie
disant "cunt" toutes les cinq minutes - quand même LE mot restant choquant dans
la langue anglaise -, Chryssie se moquant de Ray Davies dont elle a fait
prononcer le nom par la foule avant de conclure "Moi, je n'invoque jamais le nom
du Diable" (ça, c'est envoyé !), puis de Dylan dont elle a interprété - assez
joliment - le Forever Young : "Je vais sûrement la massacrer, cette
chanson, mais ça sera toujours mieux que quand il la chante, lui !". Notons
aussi que la voix de Chryssie est toujours impeccable, même si elle s'est
plantée à deux reprises dans les grandes largeurs en démarrant ujne chanson dans
le mauvais ton : un tel amateursime surprend forcément, mais, là encore, ce
genre de bourdes était plus intéressant que la majeur partie de ce que les
Pretenders ont joué ce soir...
Pour mémoire, à la fin, nous avons eu droit à une version métalisée de Middle of the Road qui nous a enfin fait lever les sourcils et dodeliner de la tête, puis, pour conclure le second rappel, à une énergique interprétation de Precious, où il s'est quand même passé une sorte d'échange entre la foule et les musiciens.
Philippe D et moi sommes
sortis de là assez dubitatifs, voire dépités, mais avec l'envie d'accorder à
Chryssie le bénéfice du doute : ce soir, ça devait être une soirée "sans" pour
les Pretenders..
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