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Le journal d'un excessif
19 septembre 2009

Elvis Perkins à la Sala Heineken (Madrid) le vendredi 18 septembre

2009_09_Elvis_Perkins_034D'abord, quand le copain Elvis Perkins rentre sur scène, je crois qu'il s'agit d'un roadie venu tester une dernière fois la guitare, tant la grande silhouette voûtée, aux cheveux longs et au chapeau bien bab enfoncé jusqu'aux yeux, qui s'approche du micro, n'a plus rien à voir avec le jeune dandy déjanté style "Nouvelle Angleterre" que j'ai pourtant déjà vu deux fois sur scène : il faut qu'il se mette à chanter While You Were Sleeping, la superbe introduction de son premier album, "Ash Wednesday", pour que je réalise qu'il ne s'agit pas d'une plaisanterie. Les musiciens de In Dearland le rejoignent un à un : un organiste-guitariste-tromboniste (euh, ça se dit ?), un contrebassiste et un batteur, le seul qui ne me paraisse pas un géant depuis où je suis passé, en contrebas. Tout de suite, l'élégance du groupe - pas vestimentaire, ils ressemblent tous à de vieux hippies sur la route de retour de Woodstock, mais musicale - est frappante : voici une musique jouée avec une sorte d'élasticité à la fois rugueuse et virtuose qui me rappelle, dans un registre diffèrent, ce que les Bad Seeds de Nick Cave avaient atteint à leur meilleure époque... ah, et aussi un côté cinématographique, au sens où des images naissent peu à peu dans votre tête en les écoutant... Elvis a bâti sa set list sur une alternance un peu systématique de morceaux de ses deux albums, ceux plus traditionnellement folk du premier, et ceux plus lyriques de "In Dearland", avec leurs poussées de fièvre : cuivres bourgeonnant, ou grosse caisse frappée façon "le cirque défile dans vos rues" par le batteur qui vient alors faire la fête sur le devant de la scène... Au début, je suis conquis, puis peu à peu, il me semble que tout cela manque d'âme : est-ce le sérieux papal des musiciens, qui peut passer pour une sorte d'arrogance bien américaine ? Est-ce l'invariable position, vissé au micro, d'un Elvis au rictus figé ? Les chansons sont belles - je pense plus particulièrement au sublime Shampoo, ou à une version2009_09_Elvis_Perkins_039 dépouillée du très "Tom-Waitsien" I'll be Arriving -, mais la voix d'Elvis avec son (nouveau) phrasé détaché, précieux et alambiqué, déjà perceptible sur l'album, me tape un peu sur les nerfs. Je constate que le public autour de moi, bien que connaissant parfaitement toutes les chansons (nombreux sont ceux qui chantent en choeur...), est lui aussi assez circonspect, loin en tout cas des manifestations de délire auxquelles j'ai pu assister lors de mes deux premiers concerts madrilènes (Cohen et Nouvelle Vague, pour ceux qui ont manqué ces épisodes...) : ce n'est que lors des explosions "festives" qui dynamitent occasionnellement les chansons tristes d'Elvis que les Madrilènes laissent éclater leur allégresse.

Ce sont les deux chansons de leur nouvel EP (annoncé par Elvis) qui vont changer la donne : voici deux morceaux du répertoire traditionnel US, dont l'un (Mary, je crois) est un pur gospel, réarrangé de manière très rock - comme nous l'avait promis de manière gourmande le batteur... - qui tranchent nettement avec le répertoire du groupe, et qui vont enfin mettre le feu aux poudres. Les musiciens paraissent enfin s'amuser, se détendre, sourire, et, immédiatement, le concert semble acquérir l'âme qui lui manquait jusque là, et les spectateurs s'amuser franchement. In Dearland fait monter sur scène pour jouer avec eux des amis espagnols qui les ont 2009_09_Elvis_Perkins_047aidés à mettre sur pied leur tournée espagnole, qui se termine ce soir à Madrid, Elvis explique à quel point le pays leur a plu, cite des nuits à Murcia, ou un ami de Grenada auquel il dèdie une chanson dont il prétend avoir oublié comment la jouer. Le set se conclut dans la joie générale par l'évident (de la musique festive standard mais assez irrésistible) Doomsday, ou comment faire la fête en attendant l'apocalypse. Elvis Perkins, qui n'a quitté son horrible chapeau pour montrer son visage qu'à la toute fin de la soirée, a de justesse rattrapé un concert qui avait peu à peu sombré dans l'indifférence...

Je sors dans la nuit fraîche (14 degrés) de la Calle Princesa avec quand même quelques doutes sur la capacité d'Elvis Perkins à parvenir à une vraie popularité, que son excellent "In Dearland" appelle pourtant. Il y a finalement chez ce garçon, vu de près, une sorte de crispation, de tension un peu sinistre, qu'on associe forcément à l'image de son père, auquel il ressemble finalement un peu, physiquement, et qui bride l'intensité de sa musique. A moins que le nouvel EP, qui paraît plus relâché d'après les deux titres qu'on a pu découvrir ce soir, ne change la donne. A suivre...

N'hésitez pas à vous rendre sur le blog des Rock'n'Roll Motherf***s pour lire l'intégralité de ce compte-rendu !

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