Nirvana_Live_In_ReadingContrairement à ce qu'on aurait pu penser à propos d'un groupe aussi essentiel dans l'histoire de notre musique, assister à un concert de Nirvana a rarement été passionnant, sans doute parce que le malaise croissant de Kurt Cobain a de plus en plus brimé le caractère potentiellement explosif de ses chansons et surtout la capacité du groupe tout entier à exprimer un vrai enthousiasme sur scène. Ce "Nirvana Live In Reading" n'est pas l'enregistrement du légendaire set de 1991, mais celui du retour de Nirvana l'année suivante... Cobain est fatigué, désorienté par le cirque autour de lui, et visiblement déjà décidé à ne plus être un objet d'adoration : de son entrée en fauteuil roulant à son message d'amour envoyé via la foule à sa femme qui vient d'accoucher, en passant par sa difficulté à exprimer quoi que ce soit entre, et voire parfois pendant les chansons, Cobain est déjà visiblement en proie au chaos… Et cette vidéo est d'abord un précieux témoignage du naufrage d'un homme.

Musicalement, Nirvana n'avait en tout et pour tout à son répertoire que trois chansons, répétées et déclinées ad nauseam sur leurs trois albums studios, et alignées sur scène dans un désordre qui empêche de construire "professionnellement" une quelconque tension, comme il est normalement de bon ton de le faire : d'abord, un hymne dépressif aussi accrocheur que primitif ("Smells Like Teen Spirit", "Come As You Are") dont la mélodie et l'atmosphère est à peu près immuable. Ensuite, un morceau punk qui tient surtout par l'énergie dévastatrice que le groupe peut dégager pendant quelques brèves minutes ("Tourette's" ou "Territorial Pissings" en sont deux bons exemples). Enfin, il y a ce morceau quasi statique sur lequel Cobain ouvre son âme tout en réalisant qu'il ne sera jamais Neil Young, et "All Apologies" en est la plus émouvante version. D'où, sur scène, un sentiment impalpable de répétition qui est à la fois le charme inégalable et la limite de la musique de Nirvana.