Ce n'est qu'à 22 h 45, soit avec trois quart d'heure de
retard (ce qui n'est pas si fréquent à Madrid...) que The Raveonettes montent sur scène.
La salle est pleine à ras-bord, mais comme toujours ici, même au premier rang
en face de Sharin Foo, je ne serai pas bousculé, à peine effleuré de temps
en temps par mon voisin photographe : j'avoue que, après 6 mois, je suis toujours
surpris par ce petit "miracle" ! Pourtant, le public est bien chaud,
rien à voir avec la réserve malheureusement affichée durant le set de The Black
Box Revelation. D'ailleurs la belle Sharin fera rapidement remarquer
qu'elle est heureuse de "voir une salle pleine et de ne pas se sentir
seule à chanter comme la dernière fois"... Chanter, ce n'est pourtant pas
aussi facile qu'on pourrait s'y attendre à l'écoute de "In and out of
control", car The Raveonettes sur scène, c'est aujourd'hui un groupe (un
quatuor, avec un batteur et un bassiste complétant le duo de base Sharin Foo -
Sune Rose Wagner) et surtout une ré-interprétation complète des chansons pop de
l'album (des albums) avec un son, une attitude, une approche qui évoque plus le
psychédélisme lourd et brumeux d'un Cure période "Pornography" que la
noisy pop ou le rock nerveux façon The Kills que j'attendais. C'est donc assez
surprenant - je trouve que le groupe n'a plus grand chose à voir avec ce que
j'avais vu et entendu à
la Maro en Septembre 2007 -, c'est un mur de son compact et dense dans lequel les
voix sont sous-mixées (et ça ne peut pas être une erreur,
photos) et se sont découvert d'autres
influences... Je parle volontairement d'influences, car que ce soit J&MC à
leurs débuts ou, disons Cure aujourd'hui, j'ai toujours la désagréable
impression que Sharin et Sun Rose sont un groupe de "seconde
division", répétant avec un succès varié ce que d'autres, plus créatifs
peut-être, ont inventé.
Dans cette ambiance lourdement électrique, impossible de retrouver la moindre
trace de la fragilité pop qui fait le charme de "In and Out of
Control", même si durant les chansons les plus évidentes - Bang ou Last Dance en ouverture du rappel -, je crois que nous
essaierons tous de ressusciter un peu de cette allégresse mélodique qui fait
défaut ce soir. Oui, "fait défaut"..., car si je suis d'abord assez
secoué - positivement secoué - par la tornade psychédélique qui s'abat sur nous
(niveau sonore élevé, même si, tant qu'à faire, on aurait peut-être pu pousser
plus encore le son...), je réalise que je décroche peu à peu du concert. Il
faut dire que le groupe a attaqué très fort par une version sonique de Gone Forever (du dernier album)
enchaîné avec deux titres de leur premier mini-LP ("Whip It On",
excellent...), qui restera ce qu'il a fait de mieux... Quand Sharin
abandonne sa guitare pour un intermède "vocal" assez peu envoûtant,
puis se place derrière le kit minimal de batterie (le batteur - qui joue
debout, mais n'est plus le clone de Fidel Castro qui nous avait tellement
impressionné à la Maro voici deux ans et demi (à moins qu'il n'ai rasé sa barbe, hi, hi, hi !) -
la remplace alors au premier rang, à la guitare) pour quelques chansons,
quelque chose se délite en effet, la tension si bien créée en intro retombe, et
le set va avoir bien du mal à s'en remettre, même quand l'électricité
reviendra. Je me rends bien compte aussi que, autour de moi, l'enthousiasme du
public n'est plus non plus inconditionnel, et au final, la fatigue aidant
peut-être en ce qui me concerne, le concert s'enlise dans une certaine
uniformité que le manque de brillance des compositions ne dissipe pas. Au moment
d'introduire le terriblement maladroit Boys
Who Rape..., Sharin explique que le texte de la chanson a déclenché
une petite polémique sur le net, et je me concentre sur la musique aux accents
doo woop pour ne pas me laisser une fois de plus irriter par les paroles de la
chanson, mais cela n'arrange pas mon léger sentiment de malaise. Un beau rappel
un peu plus intense ne rattrapera pas complètement la sauce, et, au bout de 65
minutes, ce qui est un peu court pour un groupe qui est loin de débuter, on se
quittera "bons amis", mais pas convaincus, vraiment pas convaincus
que tout cela soit de l'amour, un indispensable amour.
Alors oui, Sharin Foo est très belle dans la (rare) lumière, avec sa coupe au
carré platine et son épaule dénudée, elle arrive presque (et ce
"presque" est important) à incarner l'éternelle fantasme de la
"femme rock'n'roll", dangereuse et fragile à la fois. Et Sune
Rose est aussi léger et souriant tout de noir vêtu dans l'obscurité qui
l'entoure que dans nos souvenirs, et personnellement, bon public comme je suis,
j'adore la classe qu'il dégage avec sa guitare tenue très basse et balancée
latéralement à la manière des bassistes. Mais Sune Rose reste parfaitement anodin, et
l'écart est frappant avec l'intensité enragée de Jan Paternoster de
The Black Box Revelation...
Alors, au final, si à la sortie, la télévision avait été encore là pour me
demander "Alors, pourquoi aimez-vous les Raveonettes ?", j'aurais
peut-être alors répondu, sans méchanceté aucune, "J'aime les Raveonettes
par ce qu'ils ne sont pas un grand groupe, parce qu'ils n'ont rien inventé,
mais tout copié, et parce que quelque part, ils nous ressemblent dans leur
obstination à aller chercher un peu n'importe où et n'importe comment l'art et
la manière de faire à peu près du rock'n'roll." Même si je me suis un peu
ennuyé ce soir, cet "à peu près" me convient parfaitement.
L'intégralité de ce concert, et en particulier l'excellente première aprtie avec The Black Box Revelation est sur le blog des R'n'RMotherf*** !