Il est donc 21 h 30, et Hurts se met en place dans l’obscurité : outre Theo Hutchcraft
au chant et Adam Anderson aux claviers (soit Hurts à eux deux…), il y a trois
musiciens en backing band: un autre claviers en retrait, un batteur, et un
curieux chanteur aux backing vocals, au look et à la carrure impressionnante,
figé comme un mannequin dans la semi-obscurité. Le concert sur s’ouvre sur Unspoken, pas l’un des meilleurs titres
de l’album « Happiness », mais une chanson avec montée en puissance
qui permet la mise en place sonore du groupe, de manière progressive. Tout de
suite, je me rends compte que ce soir, le son sera moyen – avec une sorte
d’écho creux typique des boîtes de nuit -, ou en tout cas insuffisant pour
soutenir les effets lyriques puissants qui sous-tendent la musique de Hurts. On
enchaîne avec le magnifique Silver Lining,
sans doute la chanson la plus forte de l’album, qui souffre évidemment d’une
interprétation en quasi-ouverture du set. Je me rends compte que le public
connaît toutes les paroles des chansons, et les entonne avec une ferveur qui me
rappelle celle que Morrissey et les Smiths pouvaient engendrer : le
paradoxe Hurts est clair, on a affaire à de la pop synthétique tout ce qu’il y
a de « commerciale », mais il y a aussi un « sous-texte »
extrêmement
émotionnel, qui agrippe le public de manière inattendue… J’ai vu
comparer Hurts à Joy Division, c’est absurde, mais je comprends ce que cela
signifie, cette fêlure au sein d’une musique qui ne devrait, logiquement pas
avoir d’âme… Theo commence à distribuer des roses blanches aux filles
énamourées du premier rang, et on pense à nouveau aux Smiths. En observant Theo
de près, son look tiré à quatre épingles, ses postures élégantes et très
étudiées, et puis ses instants d’enthousiasme spontané quand le public répond particulièrement
fort à ses stimulations, je me rends compte qu’il m’évoque en fait plus Bowie –
période Thin White Duke, mais en moins malade, disons – que les « garçons
coiffeurs des eighties » : il y a en effet dans son chant une
maîtrise des émotions et un sens du spectaculaire qui laissent présager un vrai
talent, encore embryonnaire certes… La quasi-totalité de l’album
« Happiness » va être jouée ce soir, à l’exception de The Water (on se demande bien pourquoi,
c’est une chanson tellement forte…), et avec, si je ne m’abuse, deux titres
« nouveaux », Happiness et Confide In Me, pas les plus marquants de
la soirée. Dans cette alternance de titres « émotion » et de morceaux
« dance », le sommet pour moi ce soir sera un très beau Evelyn, pendant lequel Adam quitte son
clavier pour s’emparer d’une guitare Rickenbaker et venir nous faire le
show : moment fort, puissant, qui montre que Hurts
a le potentiel d’un
vrai bon groupe de scène, à condition de se laisser aller et de laisser un peu
tomber l’aspect « cold wave / on n’est pas là pour rigoler… » !
A noter aussi une version lyrique impressionnante de Verona, avec les lead vocals assurés par le mannequin à l’arrière
plan. On termine au bout de 55 minutes par un Better than Love en hymne Pet Shop Boys, qui vient clore
brillamment un enchaînement parfait Stay
(tout le monde chante…) / Illuminated
(beau moment d’émotion). Theo est bien décontracté et souriant, et ce depuis
longtemps, il nous remercie, et annonce qu’il s’agissait de leur dernier
concert en Espagne après s’être débarrassé de Barcelone la veille (il a tout
compris…), et Hurts quitte la scène, nous laissant tous assez ravis,
finalement.
Note: L'intégralité de ce compte-rendu sera sur le blog des RnRMf***s...