Plus de 10 minutes de retard pour Heavy Trash, et
c'est donc presque à minuit moins le quart que Jon Spencer et son quartet (..
enfin, ils sont 5 en tout !) attaquent leur set dans une Sala El Sol
archi-bourrée d’un public plutôt âgé, et « pointu » de fans de
rockabilly. C’est la première fois que je vois le célébrissime (enfin, si j’ose
dire…) Jon Spencer sur scène, n’ayant jamais eu l’occasion d’assister à un set
de son fameux The Jon Spencer Blues Explosion, et il est la principale raison
pour laquelle j’ai pris mon billet dans l’urgence, deux jours avant (et après
avoir lu la chronique élogieuse écrite par mon ami Gilles B sur le récent set
parisien du groupe…), mais aussi pour laquelle j’ai convaincu mon ami Juan
Carlos de m’accompagner. Je suis ravi que voir que Heavy Trash, ce n’est pas
qu’un duo (Jon Spencer + Matt Verta-Ray à la guitare, comme les billets pouvaient
le laisser penser), mais qu’ils ont pour les appuyer un second
(troisième ?) guitariste, qui joue assis la plupart du temps, mais qui,
quand il se lève, est littéralement terrassant, lançant des solos enflammés qui
excitent la foule, un contrebassiste et un batteur (le seul qui n’ait pas un
look rockabilly, et qui dénote donc par rapport au reste…) Et tout de
suite, on sent que, la perfection sonore de la Sala El Sol aidant, ça va
dépoter ce soir ! Trois ou quatre titres maximum pour que la machine se mette
en place en petite foulée, et on sent d’un coup une accélération et une montée
en puissance qui électrise la salle : ce soir, c’est du PUTAIN DE
ROCK’N’ROLL, croyez-moi les amis ! Et peu importe au final que Jon et ses
potes soient dans un trip « rockabilly », qui n’est pas forcément la
tasse de thé de tout le monde, au final, ce qui compte c’est le talent des
musiciens (grand, immense même par instants…) et leur énergie joyeuse – et
contagieuse, il suffit de voir les sourires qui ont éclos sur tous les visages
autour de moi (Juan Carlos, d’abord estomaqué, se met aussi à rayonner
rapidement !). Jon Spencer fait le show, comme prévu, toujours au contact
avec le premier rang (malheureusement de l’autre côté de la scène par rapport à
là où nous sommes placés…), haranguant la foule tantôt comme un prêcheur
illuminé, tantôt comme un
commentateur sportif excité de la radio US, mais
surtout avec un humour bon enfant sans faille : ce mélange de joie, de
second degré, d’élégance aussi, et d’un intense sérieux dans la manière de
jouer une musique fondamentalement éternelle comme si elle datait du matin même
est la recette du succès (artistique, au moins) de Heavy Trash. Les 50 minutes
du set s’écoulent ainsi à toute allure, entre poussées régulières d’adrénaline
lorsque la musique s’emballe et plaisir plus « sophistiqué » à
observer la virtuosité du groupe : tout le monde bat du pied, hoche de la
tête, la foule ondule, certains fans dansent de plus en plus énergiquement, ce
qui résulte en quelques poussées brutales, chose très rare à Madrid où chacun
est en général très respectueux du confort de son voisin. Je ne connais pas les
albums du groupe, je suis donc la progression du set sur une setlist aux pieds
du guitariste en face de moi, et, ma culture « punk » aidant, ce sera
le morceau Panik, fortement imprégné de cette culture (d’ailleurs Jon a
annoncé une chanson jouée « dans l’esprit de 77 ») qui me ravira le
plus ce soir. La setlist épuisée, le groupe quitte la scène, mais je ne suis
pas inquiet de la brièveté du concert, Gilles B m’ayant annoncé plus de 1 h 20
de set…
Et en effet, Jon et sa bande remontent sur scène pour se
lancer dans ce qu’on pourrait qualifier de « second set », tant la
musique est maintenant différente : plus vraiment de rockabilly joué à cent
à l’heure, mais une succession pendant une autre demi-heure de morceaux plus
lents, plus complexes aussi, qui lorgnent vers d’autres horizons musicaux, dont
le Blues. Il faut reconnaître que cette deuxième partie est moins
instantanément excitante, hormis le long blues final qui verra Jon enflammer à
nouveau le public en faisant chanter tout le monde en chœur. A noter aussi un
impressionnant morceau que je qualifierais de « gothique » (on peut
alors penser à Nick Cave, par instants…) qui se terminera dans une transe
noire, à un niveau sonore impressionnant (j’en vois qui se bouchent les
oreilles autour de moi !).
1h20 et quelques, c’est fini, il est presque une
heure et quart du matin, Juan Carlos et moi échangeons nos impressions
enthousiastes sur ce concert qui a frisé à plusieurs reprises l’excellence,
mais qui a surtout été comme un bain de jouvence : on sort dans le froid
madrilène rejoindre Inés qui nous attend patiemment en battant la semelle avec
sur le visage des sourires radieux… Oui, le rock’n’roll continue à vous sauver
la vie, mes amis !
PS : l'intégrale de ce compte-rendu se trouve sur le Blog des RnRMf***s!