Le Sauveteur (de Jirô Taniguchi) à l'assaut des multinationales
Après le choc de la découverte - les magnifiques éditions chez Casterman de "Quartier Lointain" ou "le Journal de mon Père" -, voici le temps de se construire une perspective plus juste de l'oeuvre volumineuse de Jirô Taniguchi : "le Sauveteur" travaille des thèmes que l'on a déjà vu chez le génial mangakan, de la culpabilité par rapport à une relation (amoureuse, familiale) manquée, à l'alpinisme comme dépassement de soi. La nouveauté ici, c'est que le scénario ajoute un goût de polar (il y a un mystère, une enquête, un psychopathe), finalement assez banal, mais surtout un regard étonnamment franc sur un étrange (à nos yeux d'occidentaux) système de prostitution d'adolescentes, victimes consentantes - voire manipulatrices - de "souteneurs", ainsi qu'une vision politique d'un Japon dominé par ses multinationales arrogantes. Le tout est constamment passionnant, même si, au final, "le Sauveteur" manque de profondeur, et si, à force, on s'est habitué au graphisme très clean, voire clinique de Taniguchi. Pas un grand livre donc, mais un livre tout-à-fait honorable.