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Le journal d'un excessif
5 avril 2008

Têtes Raides au Bataclan le Vendredi 4 Avril

2008_04_Tetes_Raides_au_Cafe_du_Bataclan"Je m'suis enfui du boulot / et j'ai eu du pot / pas de circulation / une place grande comme un camion / mais le plus beau c'était pas d'arriver / dans la queue le premier / non, c'était qu'le père Christian Olivier / avec ses potes à la terrasse du café / nous ont joué deux ou trois / chansons pour le bonheur et la joie / d'un coup c'était le printemps / au Bar du Bataclan / dans mon coeur et dans la rue / oui, ce soir, j'ai eu du cul...!".

Têtes Raides a changé, en douze ans, et leur musique est retournée vers le Rock, le Ska, le Reggae, s'est ouverte vers les sonorités orientales, bref n'a plus cette monochromie un peu austère - liée aussi, avouons-le au travail artistique remarquable des Chats Pelés autour du groupe - qui venait de leur héritage pur et dur "Brel-Brassens électrifiés". Il suffit d'ailleurs de se repasser dans la tête le film de la fin de leur second rappel (il y en aura eu trois, pour 2 h 15 de concert environ) : sur le ska délirant de "La Tu Vu", Christian Olivier rentre sur scène en mini moto pétaradante, Grégoire Simon a enfilé un slip kangourou et une2008_04_Tetes_Raides_039 perruque de rasta, l'un de leurs acolytes s'est déguisé en fille de joie d'un âge certain, avant de faire un stage diving impressionnant... bref, tout un tas de délires qu'on imaginait mal il y a quinze ans au milieu des spectacles intenses et théâtraux de l'époque. Là, on a même le droit de penser au bordel noir des Bérus, et d'ailleurs, à trois reprises au moins, je me suis retourné vers la salle pour constater que le Bataclan était pris tout entier d'un intense pogo, avec slammers et tout et tout. Bref, en 2008, Têtes Raides est enfin sur scène le meilleur groupe de ROCK français, ayant digéré son passé de chansons (sur)réalistes, ayant fait le choix des nerfs plutôt que du coeur.

Le concert est consacré au dernier album, "Banco", dont les excellentes compositions, plus simples, plus directes et claires qu'autrefois (Olivier est donc l'un des rares compositeurs dont le talent semble s'affiner avec l'âge) méritent certes mieux que la production "variéteuse" dont elles souffrent sur l'album. Sur scène, c'est de la bombe, baby. Les deux telecasters sont 2008_04_Tetes_Raides_049tranchantes, les cuivres décoiffent - "Banco" me fait penser aux chorus fous de David Jaxon du VDGG de la grande époque -, le son, clair et fort comme souvent au Bataclan, est juste puissant comme il faut (quelques spectatrices se bouchent les oreilles, toujours un bon signe, ça !). Le premier sommet de la soirée vient au bout de sept titres : "Expulsez-moi" fait hurler de rage Christian Olivier - toujours aussi engagé au côté des sans papiers - et le public avec lui. Puis, au plein milieu du concert, la salle s'embrase avec une version parfaite de "Gino" - pour toujours le meilleur titre de Têtes Raides" : "Va-t-en, vieille putain / A la mie de Pain / Sans pognon / Y'a pas d'oignon !", tout le monde chante en choeur comme une bordée de marins ivres, avant que démarre le pogo hystérique final, ce moment béni où l'on se souvient que "les Têtes Raides" sont bel et bien nos Pogues français, sans l'alcool mais avec la conscience politique. A partir de là, plus de redescente, et "Je Voudrais2008_04_Tetes_Raides_059 pas Crever" est acéré comme une lame, avec un Christian Olivier crachant la belle révolte haineuse de Vian comme si le texte venait d'être écrit sous Sarko Ier.

Et là, oui, ils osent, ils se lancent dans le truc qui fait peur : les vingt cinq minutes des "Consolations", soit l'implacable récitation d'un texte philosophico-poétique à la fois cruel et bouleversant de l'écrivain suédois - et schizophrène - Stig Dagerman, sur fond de reggae. Et ça passe ! Il faut dire que, à trois reprises, les cuivres viennent enfler les voiles de ce mince radeau jeté sur le noir océan de l'existence humaine, et font souffler une revigorante tempête. Une fois de plus, Christian Olivier, son livre (aide mémoire) à la main, impressionne par sa détermination, par l'implacable précision dont il fait preuve. Grand frisson !

Le premier rappel sera le plus beau moment de cette soirée déjà si riche : "Je Chante", sec et minimaliste, avec le public qui fait le refrain, seulement "respiré" par Christian Olivier, puis, pour revenir dans le style "classique" de Têtes Raides, une version sublissime de "Ginette", à trois accordéons et un saxo... Dans le noir, avec seulement la lampe "Ginette" qui vogue au-dessus de nos têtes, balancée de plus en plus fort, de plus en plus loin par Christian Olivier, jusqu'à ce qu'elle se perde, qu'elle s'accroche dans les limbes du théâtre, un millier de 2008_04_Tetes_Raides_090personnes tanguent et chavirent : à mille lieues de l'exercice desséché de citation des grands anciens auquel s'est livré Jean Corti en introduction de la soirée, voici comment la tradition française la plus poussiéreuse revit, capable d'emporter avec elle même les adolescents les plus réfractaires, émerveillés par la force de l'émotion qui submerge le Bataclan tout entier... la mer est derrière ces murs, elle gronde comme une bête dangereuse, mais on est sous la lumière de Ginette (la lampe, rappelons-le !), dans cette salle de bal îvre du mal et de la beauté de vivre, et pendant dix minutes de bonheur suspendu, rien, absolument rien ne peut nous arriver ! Retour à la réalité sarkozienne avec le puissant "L'iditenté", sans Noir Déz, bien entendu, mais avec Noir Déz quand même, dans l'électricité qui déchire, la rage des mots qui claquent : "Que Paris est beau / Quand chantent les oiseaux / Que Paris est laid / Quand il se croit français", une phrase à chanter en choeur en foutant le feu au ministère de l'immigration et de l'iditenté nationale de merde !

Il y aura à la fin encore un troisième rappel, entre copains, mais là, on n'en peut presque plus. La salle se vide assez vite, pour une fois (les sorties de secours sont ouvertes, intelligemment) et Sophie monte sur scène pour2008_04_Tetes_Raides_092 nous récupérer la set list, que curieusement, personne n'a jeté dans la fosse. On sort de là, surpris et (re)conquis par Têtes Raides.

Il ne m'en faudrait pas beaucoup pour que je jure que c'était mon meilleur concert de ce début d'année 2008, c'est dire !

(Comme d'habitude, le compte-rendu complet de ce magnifique concert de Têtes Raides se trouve sur le blog des Rock'n'Roll Motherf***s)

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