"Il me semble que j'ai toujours essayé d'être quelqu'un d'autre. Il me semble que j'ai toujours voulu aller vers des gens et des lieux nouveaux et différents, pour m'inventer une vie nouvelle, devenir un être au caractère différent." (Page 218 de l'édition 10-18 de "Au Sud de la Frontière, A l'Ouest du Soleil" de Haruki Murakami). Je m'interroge, comment Murakami a-t-il fait pour écrire un livre SUR moi, fils unique au demeurant, sans me connaître ? Et puis, en parcourant les commentaires d'internautes sur ce beau, ce très beau livre, je me suis rendu compte, un peu jaloux, que d'autres s'étaient reconnus dans ce récit sec et bouleversant, distancié mais passionnel d'un pré-adolescent qui quitte son premier amour - attiré par le vertige de la vie - sans comprendre qu'il commet une erreur fondamentale, puis qui le retrouve 20 ans plus tard... Raconté comme ça, ça fait très roman-photo, ou pire Marc Levy - ou je ne sais quel autre écrivaillon que les dames aiment lire de nos jours ! Mais non, Murakami est un auteur japonais, et en tant que tel, il travaille avec une précision époustouflante sur les micro-sensations et les sentiments les plus ténus, tout en brossant une sorte de fresque existentialiste (on retrouve comme chez les existentialistes la difficulté fondamentale d'être, d'être dans le monde comme d'être soi-même) et en frisant le fantastique, voire la terreur. Voilà, pour moi, cinéphile, il y a dans ce livre le même désespoir lumineux et tranquille que j'ai trouvé récemment dans le beau film "Still Walking" de Kore-Eda, mais aussi la même charge horrifique que dans les films de Hideo Nakata - sans les effets-choc quand même ! Bon, il ne me reste plus qu'à me plonger dans le reste de l'oeuvre de Murakami...
17 juin 2009