Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le journal d'un excessif
27 mars 2011

Roger Waters au Palacio de Deportes (Madrid) le samedi 26 mars

 

2011_03_Roger_Waters_Palacio_de_Deportes_011Depuis la naissance de « The Wall » en 1979, on connaît le principe : un grand mur de briques blanches est érigé « en live » sur scène entre le groupe – ce soir presqu’une dizaine de personnes, autour de Roger Waters officiant comme bassiste et chanteur bien sûr, mais aussi comme guitariste acoustique, voire trompettiste sur le final « libéré » une fois le mur abattu – et le public, un mur sur lequel seront projetées des images illustrant chacune des chansons ou intermèdes sonores du « concept-album », un mur qui finira par être détruit alors que le totalitarisme aura atteint son apogée. Ce qui a changé, en 2010, c’est quand même plusieurs choses importantes, et on ne sera pas déçus par rapport à ce qui a été annoncé : d’abord les progrès technologiques font que les projections d’images sont remarquables, en particulier grâce à la superposition habile d’un mur « virtuel » au mur « réel » construit peu à peu, qui crée dans la deuxième partie du spectacle des effets sidérants de profondeur, d’ondulation, de relief, etc. ; ensuite, Waters a bel et bien modifié le thème de « son » œuvre en en faisant avant tout une critique virulente de tous les totalitarismes (nazisme, stalinisme, islamisme, mais aussi capitalisme, lourdement épinglé - je ne sais pas si Mercedes Benz ou Shell apprécient de voir leurs chers logos transformés en bombes mortelles au même titre que les croix gammées, la faucille et le marteau ou le symbole du dollar, mais j’en doute !) et des guerres qu’ils engendrent, et en oubliant la partie lourdingue sur les délires d’une rock star trop droguée et trop malheureuse, qui était pour 2011_03_Roger_Waters_Palacio_de_Deportes_065le moins ridicule, voire déplaisante.

Je n’ai pas encore parlé de la musique, qui est peut-être (sans doute ?) le moins important, en tout cas le moins impressionnant ce soir, car je suppose que tout le monde connaît par cœur les 26 morceaux de « The Wall », qui seront interprétés dans l’ordre – forcément – et plutôt fidèlement : tout le monde reconnaît il me semble le coup de génie de Another Brick In The Wall part II, avec son chant absolument irrésistible de révolte contre « le système éducatif », et ce sera, inévitablement, LE grand moment de magie de la soirée, le moment où on a tous les larmes aux yeux, le cœur qui chavire, le moment où même moi, rétif à la lourdeur emphatique de la musique du Pink Floyd, j’ai envie de dire : « Allez, tout est pardonné ! ». C’est tout simplement – mais rien n’est simple dans une telle chanson, contrairement aux apparences – une autre illustration de la force universelle des hymnes, mais aussi de leur danger (simplisme réducteur). Bravo en tout cas à Roger Waters d’avoir trouvé en lui-même ces quelques accords, ces mots, cette idée du chœur d’enfants : tiens, ce soir, je me dis que l’héritage à l’histoire de la musique de Pink Floyd, en dépit de tous ses succès, ce pourrait bien être ce redoutable : « We don’t want no education, we don’t want no thought control ! »… Pour le reste, se succéderont, comme sur l’album, mais en légèrement plus « massif » (on joue pour les stades) des morceaux puissants (Mother, face à un monstre pneumatique effrayant représentant la 2011_03_Roger_Waters_Palacio_de_Deportes_094caricature de la mère dominatrice et castratrice, Hey You, joué derrière le mur et sans effets spéciaux, Run Like Hell, la chanson la plus violente de la soirée, au milieu du décorum néo-nazi que l’on connaît depuis le film d’Alan Parker, etc.) et des moments de suspension où le chant se fait plus plaintif, plus personnel et sans doute plus émouvant (Nobody Home, par exemple). Mais, avouons-le, les cris d’admiration de la foule seront quand même plus provoqués par le spectaculaire d’une mise en scène parfaite (ah, l’avion de papa Waters qui s’écrase sur scène dans une gerbe de flammes en quasi ouverture du show ; ah, le sanglier noir qui vole tout seul, téléguidé, au dessus de nos têtes, en échos satanique aux cochons volants de « Animals » ; ah, la petite pièce télé-canapé qui s’ouvre dans le mur et dans laquelle Waters chante l’absence des héros morts au combat ; etc.) que par les surprises d’une musique forcément chorégraphiée, réglée et sans surprise. Le problème vient sans doute que Waters ne chante pas particulièrement bien, cela se sait, et la bonne idée du duo avec lui-même quand on projette un enregistrement d’un concert de 1980 (me semble-t-il…) tombe un peu à plat, du coup. Difficile par contre de ne pas aimer le second moment magique de la soirée, l’interprétation de Comfortably Numb, avec le sublime solo Gilmourien exécuté impeccablement par un guitariste au sommet du mur, tandis que Waters se débat contre ses démons au pied de celui-ci : une belle métaphore, même si l’on peut se demander de quoi…

Et Waters lui-même ? Eh bien, comme il l’a lui-même expliqué à deux reprises, c’est désormais un homme mûr (67 ans) qui a triomphé de ses démons, qui est très loin de la rock star malade des années 70-80, qui agit plus en chef d’orchestre et en « manager » de cette superproduction ambitieuse, qu’il porte en lui depuis si longtemps désormais, qu’en musicien au sens classique du terme. Pourtant, ce qui était visible 2011_03_Roger_Waters_Palacio_de_Deportes_131depuis le gradin où nous étions, Inés et moi, c’est toute la sincérité – assez déchirante – avec laquelle il délivre encore son message de paix et de tolérance. On peut trouver ça simpliste (voir les cris un peu ridicules d’un forcené derrière nous : « No Guerra ! no Guerra ! » alors que les avions occidentaux sont en train de bombarder Khadafi), voire de mauvais goût (Waters en uniforme de la gestapo mitraillant la foule avec un fusil mitrailleur lumineux), mais on peut aussi se dire qu’il y a une belle santé dans cette énergie à vouloir montrer ce que l’on dit si peu, la valeur de l’humanité dans un siècle plus que jamais livré à la haine et à la cupidité. Finalement, j’ai envie de garder deux images de cette très, très belle soirée : celle du chœur d’enfants espagnols déchaînés jouant de « l’air guitar » sur l’avant-scène devant le groupe sur Another Brick.., et les images de victimes de toutes les dernières guerres défilant pendant l’entracte, images envoyées à Waters par leurs familles et amis. Deux images de souffrance et d’espoir qui résument bien le meilleur de « The Wall », et qui aident à oublier les lourdeurs de l’ensemble.

Publicité
Publicité
Commentaires
Le journal d'un excessif
Publicité
Archives
Newsletter
Publicité