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Le journal d'un excessif
20 septembre 2011

Anna Calvi au Wah Wah Club (Valencia) le samedi 17 septembre

2011_09_Anna_Calvi_Wah_Wah_Club_Valencia_00523 h 05 tout juste passés, Anna Calvi monte sur scène par la salle, accompagnée de ses fidèles lieutenants, Daniel Maiden-Wood à la batterie - qui de près, ressemble moins à Ewan McGreggor, en fait - et Mally Harpaz derrière sa table bric-à-brac, qui sert aussi de claviers ou d'accordéon ou de je ne sais quoi qui fait des bruits jolis et intéressants derrière la voix et la guitare d'Anna. Anna, elle, se plante derrière son micro, et attaque le traditionnel Riders to the Sea, cette intro solo presque anodine sur l'album, mais si impressionnante en live. Ce soir, Anna est en noir austère, les cheveux attachés en chignon serré, le visage dur derrière son maquillage sophistiqué de « femme fatale » très française, et perchée, minuscule comme elle est, sur de vertigineux talons hauts (belles chaussures « stilettos peep toe de chez Christian Louboutin », me souffle Inés...). Elle est l'image "anti-rock" par excellence, une sorte de gravure de mode glacée et efficace de chez Chanel (Pantalon-tube serré à la cheville, avec de grands boutons, pull-over fin noir également serré à la ceinture), qui contraste de manière étonnante avec la musique hantée, parfois cruelle, souvent brûlante, qui sort de sa guitare. Oui, quelques minutes de ce jeu étonnant sur sa guitare, ce jeu qui a évoqué pour certains "le flamenco" (ça n'en est pas, bien sûr, mais la technique d'Anna à la guitare est un mélange inédit de styles musicaux divers, qu'elle a assemblés à sa façon grâce à son approche à la fois didactique et intuitive, mais sans barrières, de la musique), et on sait que c'est déjà gagné : le public est hypnotisé, sous le charme ambigu de 2011_09_Anna_Calvi_Wah_Wah_Club_Valencia_009cette très belle jeune femme, et les 55 minutes qui vont suivre ne vont que renforcer son emprise sur nous. Une dernière note aigüe qui claque, et Mally et Daniel attaquent avec des percussions tribales, derrière la voix d'Anna qui s'élève : No More Words, pure fascination sensuelle et déjà un peu vénéneuse. Inés se tourne vers moi pour me regarder, interloquée : "Extraordinaire !". Eh oui, les commentaires les plus élogieux ne peuvent vous préparer à l'expérience de la voix et de la guitare d'Anna en live !

Sans surprise par rapport à sa setlist "habituelle", Anna nous offrira ce soir à Valence l'intégralité de son premier album, joué dans un ordre différent - et a priori un peu différent à chaque concert -, et enrichi de deux reprises : le Surrender de Presley et le magnifique Jezabel de Piaf qui servira ce soir d'unique rappel. Comme toujours, le "roadie" viendra la soutenir à la seconde guitare pendant deux morceaux, et en particulier sur le très beau And Then We Kiss, la seule chanson ce soir qui voit Anna délaisser sa guitare pour se concentrer sur le chant.

Parlons un peu de ce chant, justement : excessivement technique, ce qui est plus que rare dans le Rock qui a tendance à négliger les bénéfices de l'apprentissage du chant, très proche de l'opéra (Inés me fait remarquer que les expressions faciales exagérées d'Anna, ces grimaces carnassières, sont typiques du chant lyrique, et dénotent un travail très sérieux pour placer sa voix correctement sur des passages difficiles), le chant d'Anna envoûte les gogos que nous sommes, peu habitués à une telle maîtrise, à une telle sûreté d'exécution. Ce chant, tout autant que la technique protéiforme développée par Anna à la guitare (une goutte de Hendrix, beaucoup de "musiques du monde", dans une ambiance "gothique" de "réverb") contribue à ce sentiment de jamais vu qui nimbe chaque prestation live d'Anna d'une 2011_09_Anna_Calvi_Wah_Wah_Club_Valencia_024auréole surnaturelle.

Chaque chanson est tout simplement parfaite, infiniment supérieure à sa version studio - moins aseptisée, plus "habitée" : c'est particulièrement net sur The Devil, qui nous tient suspendus à chaque mot susurré par Anna, à chaque note tirée de sa guitare menaçante. Magnifique version de l'ample et lyrique Suzanne & I, certes, mais c'est quand même le très "P.J. Harveysien" Desire qui provoquera l'ultime explosion de plaisir ce soir : puissant, subtil, complètement satisfaisant, depuis son intro à l'orgue lugubre jusqu'aux braillements libérateurs de Daniel à la fin...

Pour finir, le moment que tous ceux "qui savent" attendent le plus, le solo déstructuré de Love won’t be leaving, ce coup de poignard en pleine poitrine, cette déchirure sanglante, cette douleur sublime, alors que le beau visage d'Anna est déformé par un rictus mauvais : c'est la seconde fois que j'assiste "au miracle", l'effet de surprise n'est plus là pour moi, juste cette envie que ce moment suspendu dure, dure, dure le plus longtemps possible. C'est l'habituelle vague spontanée de cris d'enthousiasme qui salue la dernière note du solo, avant que ne reprenne et ne se termine la chanson... Anna reviendra donc pour un seul morceau, Jezabel, et je regrette bien sûr qu'elle ne nous ait pas offert comme à Paris sa version du Joan of Arc de Cohen...

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